Le LPVS s été très bien représenté lors du 87e congrès de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS), qui a exceptionnellement eu lieu à l’UQO cette année. Rassemblant toute la communauté scientifique francophone québécoise, ce congrès de renommée nationale a pour objectif de promouvoir la diffusion des savoirs en français Les membres de notre laboratoire y ont présenté, par l’entremise de présentations orales et d’affiches, plusieurs projets qui sont en cours au laboratoire. Voici un aperçu des divers projets présentés:
Communications orales
Colloque: La communication non verbale : recherches, enjeux et dialogues interdisciplinaires
Caroline Blais – La reconnaissance des expressions faciales : des mécanismes visuels fondamentaux aux influences socioculturelles
La capacité à reconnaitre l’expression faciale d’un individu est cruciale pour l’humain, tant au niveau de sa survie qu’au niveau de son adaptation sociale. D’ailleurs, Darwin suggérait déjà, en 1872, que les mouvements faciaux effectués durant l’expression de certaines émotions (p.ex., la peur, la colère, le dégoût) ont évolué pour maximiser les chances de survie de l’humain. Encore aujourd’hui, cette proposition est d’actualité (Susskind et al., 2008), bien qu’elle soit aussi remise en question par plusieurs (Russel, 1994; Jack et al., 2012). Alors qu’une majeure partie des études dans le domaine de l’expression faciale a porté sur la caractérisation du signal émotionnel transmis par celles-ci, il importe aussi d’investiguer les stratégies développées par le système visuel pour arriver à décoder ce signal. Cette présentation explorera cette question sous différents angles. Nous verrons que les mouvements faciaux représentant le cœur d’une expression faciale n’ont pas tous la même importance pour le système visuel. Nous verrons aussi comment l’ajout de propriétés rendant une expression plus naturelle (p.ex. expressions dynamiques vs. statiques, expressions spontanées vs. posées) influence l’information utilisée par le système visuel. Finalement, nous discuterons de la façon dont les expressions faciales d’émotion de même que les stratégies de décodage du système visuel peuvent être influencées par l’environnement socioculturel dans lequel un individu se développe.
Colloque: Neurosciences, santé mentale et toxicomanie
Isabelle Charbonneau – Impact de l’anxiété sociale sur les représentations visuelles d’expressions faciales
Des études montrent que les personnes souffrant d’anxiété sociale ont des difficultés à reconnaître les expressions faciales. Afin de mieux comprendre ce déficit, nous avons comparé les représentations visuelles (RVs) du dégoût et de la colère de personnes anxieuses avec celles de participants contrôles. Les RVs de ces deux expressions ont été révélées chez 40 participants (20 par groupe) grâce à la corrélation inverse (Mangini & Biederman, 2004). À chaque essai, les participants devaient choisir lequel de 2 stimuli semblait le plus colérique ou le plus dégoûté. Les deux stimuli étaient générés à partir du même visage auquel était ajoutée une plage de bruit aléatoire. Une image de classification a été générée pour chaque groupe et chaque expression en moyennant les plages de bruit sélectionnées à chaque essai. Les résultats ne révèlent aucune différence entre les deux groupes quant aux régions faciales représentées en mémoire pour les deux expressions faciales. Des analyses subséquentes montrent toutefois que les RVs des participants anxieux sont jugées comme plus tristes par des participants naïfs, et ce, pour les deux expressions évaluées (colère=[X2(1)=24.14, p<0.001], dégoût=[X2(1)=28, p<0.001]), ce qui est consistant avec l’observation d’un niveau de dépression plus élevé chez nos participants anxieux [t(38)=2.57, p=0.02]. Ces résultats suggèrent que la présence de dépression chez les anxieux sociaux altère les RVs en les rendant plus tristes.
Justin Duncan – Sélectivité de l’hémisphère cérébral droit pour l’information horizontale durant le traitement facial
Le traitement des visages est plus efficace lorsqu’ils sont présentés dans le champ visuel gauche (CVG). Cette supériorité du CVG est attribuée à la dominance de l’hémisphère droit pour les visages, mais peu d’explications fonctionnelles ont été proposées (p.ex., traitement global/local). Des travaux récents ont révélé l’importance des orientations spatiales horizontales dans le traitement facial (ex., Goffaux & Dakin, 2010). Nous avons donc vérifié si leur traitement diffère entre les hémisphères. Trente participants ont complété deux tâches dans lesquelles des visages étaient filtrés avec des bulles d’orientation (Duncan et al., 2017). La première, une tâche d’identification, visait à établir un profil de référence. Dans la seconde tâche, un paradigme pareil/différent, une sonde était présentée au CVG ou CVD pendant que l’autre côté voyait un visage moyen. Une cible était ensuite présentée bilatéralement et les participants devaient indiquer si la sonde et la cible étaient la même personne. Des images de classification ont permis d’extraire les orientations utiles (Zcrit=2,101, p<0,05; Chauvin et al., 2005). Tel qu’attendu, l’information horizontale constitue le meilleur prédicteur de performance dans la tâche de référence, Z=3,38. Cela était aussi vrai pour le CVG (Z=3,45), mais pas le CVD (Z=–1,92). La supériorité de l’hémisphère droit serait donc liée à un meilleur traitement des orientations horizontales, mécanisme qui n’avait jamais été exploré jusqu’à maintenant.
Francis Gingras – Différences culturelles dans la représentation mentale de la douleur exprimée par des visages d’une autre ethnie que celle de l’observateur
Une reconnaissance efficace de l’expression faciale de douleur est cruciale afin de réagir correctement face aux personnes souffrantes. La présente étude visait à révéler la représentation perceptive de l’expression faciale de douleur pour deux groupes ethniques. Des images de classification (ICs) ont été générées afin de visualiser les représentations de douleur de visages Blancs et Noirs chez 30 participants occidentaux grâce à la reverse correlation (Mangini & Biederman, 2004). Ces ICs ont ensuite été soumises à un Cluster test (Chauvin et al., 2005; tcrit=3.0, k=246, p<0.025). Les résultats révèlent que l’œil droit et la bouche sont représentés différemment pour les deux ethnies de visages. Puisque ces variations n’étaient pas corrélées aux préjugés ethniques (tous les p>0.5), sept participants africains ont été testés afin de tenter d’expliquer ces différences. On cherchait alors à déterminer si ces différences étaient attribuables à la morphologie des visages ou à l’importance accordée par l’observateur aux traits de douleur pour un visage provenant d’une autre ethnie. Pour les participants africains, la douleur pour les visages Blancs est davantage associée au plissement des sourcils comparativement à celle pour les visages Noirs (tcrit=3.0, k=246, p<0.025). Ces résultats suggèrent que l’importance accordée aux traits de douleur est modulée par l’ethnie du visage qui l’exprime.
Séance d’affiches
Colloque: Neurosciences, santé mentale et toxicomanie
Gabrielle Dugas – Les orientations spatiales spécifiques à l’identification des visages
Plusieurs études ont révélé le rôle fondamental des orientations horizontales en identification de visages. Or, les tâches utilisées pour l’instant ne permettent pas discerner l’impact de l’information d’identité de celle de l’information physique de bas niveau. Afin de contourner ce problème, nous avons utilisé une méthode contrôlant précisément les différences physiques entre des stimuli qui peuvent être catégorisés comme provenant de la même identité ou non. À chaque essai, les participants (N = 10) voyaient une cible et deux choix de réponse dont l’information visuelle était échantillonnée avec des bulles d’orientation. L’un des choix, la bonne réponse, était identique à la cible. Les possibles choix alternatifs, créés par un logiciel de morphing, pouvaient soit partager l’identité de la cible ou provenir d’une identité différente. De façon importante, tous les choix alternatifs étaient identiques quant à leur distance physique avec la cible. Les orientations horizontales étaient significativement associées aux bonnes réponses (Zcrit=2.101; Zmax=4,25, p<0,05) mais uniquement quand les deux choix de réponse différaient sur l’identité. Par contre, aucune orientation n’a atteint le seuil lorsque les deux choix différaient uniquement sur l’information de bas niveau (Zmax=1,41, p>0,05). Une comparaison à l’aide d’un test-t apparié a révélé une spécificité du traitement des horizontales lorsque la tâche implique de reconnaitre l’identité d’un visage (t(9)=2,8, p<0,05).
Marie-Pier Plouffe-Demers – L’impact du genre sur la capacité à discriminer l’expression faciale de douleur
Des études ont démontré un avantage des femmes en reconnaissance des expressions de douleur (e.g. Hill and Craig, 2004), mais l’impact du genre sur les stratégies visuelles qui y sont sous-jacentes demeure inexploré. Nous avons mesuré les stratégies visuelles de 30 participants (15 hommes) avec la méthode Bubbles (Gosselin & Schyns, 2001), qui échantillonne aléatoirement des traits du visage dans 5 bandes de fréquences spatiales. Pour chacun des 1512 essais, deux avatars bullés (parmis 2 genres x 4 niveaux d’intensité de douleur) étaient présentés au participant qui devait identifier celui présentant le plus haut niveau de douleur. L’écart d’intensité entre les 2 visages variait entre 100% (facile), 66% (moyen) et 33% (difficile). Le nombre de bulles nécessaire au maintien d’une précision moyenne de 75% faisait office de mesure de performance (Royer et al., 2015). Les résultats indiquent la nécessité d’un plus grand nombre de bulles pour les hommes (M=77.6, SD=36.8) que les femmes (M=52.3, SD=24.5) dans la condition la plus difficile [t(28)=2.22, p=0.04], suggérant une performance supérieure des femmes. De plus, les résultats indiquent que les femmes utilisent davantage la bande de fréquence spatiale la plus basse comparativement aux hommes (Zcrit=2.7, p<0.05; 5.4-2.7 cycles par visage). Ces résultats suggèrent un impact du genre de l’observateur sur la performance et sur les stratégies visuelles sous-jacentes à la discrimination de l’expression faciale de la douleur.
Camille Saumure – Le niveau d’empathie a un impact sur les représentations mentales de l’expression faciale de douleur
L’expérience de douleur entraîne la contraction de muscles faciaux (Kunz et al., 2012) qui sont encodés dans la représentation mentale (RM) de l’observateur (Blais et al., en révision). L’exposition à la douleur entraînerait une réaction cérébrale empathique (Botvinick et al.,2005) qui varie en fonction du niveau d’empathie (Saarela et al. 2007). Dans la présente étude, les RMs de 54 participants (18 hommes) ont été mesurées avec la Reverse Correlation (Mangini & Biederman, 2004). Pour 500 essais, ceux-ci devaient choisir le visage qui semblait le plus en douleur entre deux stimuli. À chaque essai, les stimuli étaient générés à partir du même visage, auquel était ajouté ou soustrait du bruit visuel. Le niveau d’empathie a été mesuré avec le test du quotient émotionnel (Baron-Cohen et Wheelwright, 2004) et utilisé comme poids pour générer deux images de classification (IC) pour les niveaux d’empathie élevée et faible. Des sujets indépendants (N = 24) ont ensuite jugé l’IC de forte empathie comme étant significativement plus intense dans les régions associées à l’expression de douleur (sourcils x2 = 24, nez/lèvre supérieure x2 = 10.67, yeux x2 = 6 [p<0.05]). Une IC de différence (forte–faible empathie), soumise à un Cluster test (Chauvin et al., 2005), a dévoilé une différence significative dans la région de la bouche (ZCrit = 2.7, K = 90, p<0.025). Ces résultats suggèrent que la RM de l’expression de douleur varie selon les différences individuelles d’empathie.
Colloque: Développement et fonctionnement des personnes et des communautés et vie sociale
Joël Guérette – L’influence du statut suite à l’éjection d’un joueur ou d’un entraîneur dans la Ligue de baseball majeur
Les joueurs et entraîneurs de baseball critiquent le travail des officiels, entre autres afin d’influencer leurs décisions. Nous avons récemment montré que de critiquer une décision de l’arbitre au marbre modifie la surface de la zone de prises, offrant un avantage à l’équipe ayant exprimé son désaccord. La critique étant inacceptable au baseball, cet avantage est accompagné de l’éjection de la personne fautive. L’éjection d’un joueur a des conséquences négatives plus importantes pour une équipe que celle d’un entraîneur. L’objectif de la présente étude est de comparer l’impact de l’éjection d’un joueur et d’un entraîneur sur la surface de la zone de prises. Pour ce faire, nous avons comparé la taille de la zone de prises des officiels de la Ligue de baseball majeur (MLB) selon le type d’éjection. Les surfaces de zones de prises ont été mesurées avant et après les expulsions à partir du positionnement spatial des lancers (72258) recueillis dans la base de données de la MLB pour les saisons 2008 à 2015. Une analyse par bootstrap à l’aide du modèle additif généralisé a révélé une diminution significativement plus grande de la zone de prises, t(389)=-3.66, p<0.001, suite à l’éjection d’un joueur par rapport à celle d’un entraîneur. Ces résultats suggèrent que suite à l’éjection d’une personne par l’arbitre, la perception et la prise de décision de ce dernier lors des lancers subséquents changent de façon à compenser les conséquences négatives engendrées par l’expulsion.
Félicitations à tous!!!